Compte-rendu d’atelier
Jeudi 13 juin, lors du Congrès national de Sites & Cités, Angers
L’adaptation aux bouleversements climatiques et la restauration du patrimoine vivant imposent de penser la notion de Nature en ville dans les centres anciens sous un angle nouveau, bien au-delà de sa valeur d’écrin paysagé du patrimoine bâti
Végétaliser la ville patrimoniale permet à la fois :de lutter contre les îlots de chaleur urbains et la pollution, de reconstituer le cycle de l’eau, de préserver la biodiversité mais ausside renforcer le bien-être, le lien social et donc de développer le confort et la désirabilité des centres anciens.
PRÉSIDENT DE L’ATELIER
Pascal MONIER, 2ème Adjoint au Maire à la « Politique du Climat, transition écologique, urbanisme », Ville d’Angoulême
ANIMATRICE
Christine LAROUSSE, Chargée de mission chez Sites & Cités
INTERVENANTS
Suzanne BROLLY, 2ème Adjointe au Maire de Strasbourg en charge de la ville résiliente, de l’urbanisme et des espaces verts – Vice-Présidente à l’Eurométropole de Strasbourg en charge de l’habitat, politique foncière et immobilière
Frédéric MOREAU, Chef du Service Maîtrise d’Ouvrage et Maîtrise d’Oeuvre à la Direction Parcs Jardins et Paysages, Angers et Angers Loire Métropole
Roland PELTEKIAN, Chef du bureau de la protection et de la gestion des espace, DGPA Ministère de la Culture
Morgan PRIOL, Directrice de la délégation Maine-et-Loire de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne
Jean Philippe TEYSSIER, Concepteur paysagiste, chargé d’étude, Plante et Cité
Synthèse des interventions
En introduction, Pascal Monier, Président de l’atelier puis Christine Larousse, chargée de mission de Sites & Cités rappellent les travaux conduits par le groupe de travail « Site Patrimonial Remarquable et Nature en ville » depuis 2021, en partenariat avec le Ministère de la Culture. Ce groupe de travail interroge l’ensemble des principes et actions en faveur d’une intégration du végétal et de la biodiversité dans les centres anciens. L’atelier du Congrès expose les différentes thématiques traitées dans le cadre de ses travaux.
Roland Peltekian, chef du bureau des sites patrimoniaux et du patrimoine mondial du ministère de la Culture démontre comment les SPR peuvent accompagner un projet d’amplification de la nature en ville et en proposer une traduction réglementaire à travers leurs documents de gestion. Du diagnostic à la règle écrite et graphique en passant par les OAP thématiques et sectorielles, le SPR a aussi vocation à protéger les espaces en pleine terre existants aussi bien sur l’espace public que sur l’espace privé, d’autant que la loi ZAN considère comme artificielles les zones de pleine terre en centre-ville. Il peut aussi libérer des surfaces en cœur d’îlot si nécessaire, chaque situation devant s’étudier au cas par cas, îlot par îlot.
Le SPR dont vient de se doter la ville d’Angers et la révision/extension du SPR de Strasbourg sont des exemples démonstrateurs de la démarche de réintégration de la nature dans la ville patrimoniale.
Suzanne Brolly, maire-adjointe à la ville résiliente, l’urbanisme et les espaces verts de la Ville de Strasbourg présente le projet de végétalisation de la ville de Strasbourg qui s’appuie sur le réseau écologique du territoire. Il se construit à partir du schéma régional de cohérence écologique, puis de la trame verte et bleue de l’Eurométropole avant de resserrer le cadrage, à une échelle plus fine, sur l’identification du tissu naturel en cœur de ville. C’est l’étude du déplacement d’un écureuil dans la ville qui permet d’identifier cette trame des espaces naturels dans le centre de Strasbourg. Elle est protégée dans le PSMV et se décline selon des espaces diversifiés, dans la ville ancienne médiévale dense comme dans l’extension allemande de la Neustadt construite sur le modèle hygiéniste du 19e siècle, à partir d’un tissu aéré par de grandes avenues, des parcs et des jardins.
Autour du centre ancien, l’ancienne ceinture défensive des forts devient une ceinture bioclimatique, protégée par une OAP dans le PLU pour assurer les continuités écologiques et les articulations visuelles avec le centre ancien. Elle se définit comme la zone tampon du site UNESCO.
Frédéric Moreau, chef du service Maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre à la Direction des Parcs, jardins et paysages de la ville d’Angers poursuit la démonstration par la présentation du projet de végétalisation du centre d’Angers. 70 à 80 % du potentiel végétal relevant des propriétés privées, la ville a fait le choix d’associer pleinement la population à ce travail de végétalisation (bons de plantation pour les propriétaires, guide de plantation, agriculture urbaine, concours végétal, etc… )
La ville met également en œuvre un vaste programme de végétalisation des espaces publics du centre historique. Depuis l’avenue Jeanne d’Arc jusqu’aux places Académie et Kennedy en passant par le jardin du Mail, le parvis de l’hôtel de ville, la place du ralliement, la promenade du bout du monde, le château…, la trame de la végétalisation du cœur de ville essaime la nature en lien avec le patrimoine. Le PSMV protège également les cœurs d’îlots notamment ceux du quartier de la Doutre et explicite son propos par des fiches conseils.
Au centre, la Maine retrouve « droit de cité » grâce au projet « Rives vivantes » qui fait le lien avec le grand paysage.
Pascal Monier explique que la ville d’Angoulême, dont le PSMV est déjà doté d’une OAP de renaturation, vient de missionner une architecte du patrimoine pour l’élaboration d’un plan guide de la renaturation, en s’adossant à un botaniste et un écologue, pour un regard patrimonial et écologique. Par ailleurs, la ville fait inscrire dans le PLUi une OAP sectorielle sur un quartier d’Angoulême pour liaisonner les parcelles privées entre elles et les relier aux espaces publics. La société à mission « Qui veut rafraichir sa ville » va contribuer à financer la renaturation du foncier privé.
Les projets de végétalisation sont indissociables de la nécessité de réactiver le cycle de l’eau dans les villes.
Morgan Priol, Directrice de la Délégation Maine-Loire-Océan de l’Agence de l’eau Loire Bretagne expose les enjeux autour de la préservation et de la gestion intégrée de l’eau dans les centres urbains. L’infiltration des eaux de pluie à la parcelle, la récupération sur les points bas (par des noues végétalisées, des mares…), le stockage des eaux pluviales par des espaces réservoirs permettant de temporiser, la désimperméabilisation pour un retour à des sols vivants, la renaturation, le principe de l’arbre de pluie, mais aussi la réouverture des cours d’eau, la restauration de la qualité des eaux… sont désormais au cœur de la requalification des espaces urbains. Le principe de la ville éponge se décline en s’adaptant à chaque site pour éviter la saturation des réseaux d’assainissement, irriguer la végétation, recharger les nappes phréatiques et contribuer à l’épuration.
Morgane Priol rappelle que les 6 agences de l’eau, établissements publics de l’eau répartis sur les 6 grands réseaux hydrographiques du territoire proposent aux collectivités un accompagnement technique, grâce à l’appui d’acteurs relais spécialisés. Elles proposent aussi des soutiens financiers conséquents à la fois sur le volet travaux et sur le volet études (OAP, études préalables, études d’aménagements techniques…). Ces aides peuvent se cumuler avec les aides du fonds vert que les agences de l’eau instruisent pour le compte de l’état.
Notre partenaire Plante & Cité, représenté par Jean-Philippe Teyssier, conclut le propos par sa présentation du programme ARCHE, soutenu par l’ANCT, le MTE et le groupe interprofessionnel Val’hor. Cette étude, en cours d’élaboration, porte sur « la conciliation entre les enjeux de préservation du patrimoine historique face aux défis écologiques ». Elle recense les expériences des villes et sites historiques à partir d’une enquête nationale et conduit des ateliers interprofessionnels auxquels Sites & Cités est associée.
Les 110 projets actuellement recensés permettent de dégager quelques premières orientations à destination des acteurs du végétal/du paysage et des acteurs du patrimoine qui vont être étudiées : l’implication des instances patrimoniales le plus tôt possible et tout au long du projet, les diagnostics préalables environnementaux et études historiques approfondis par des historiens pour mettre en perspective le projet, l’analyse du projet à l’échelle du territoire, la constitution d’équipes pluridisciplinaire (architecte du patrimoine, paysagiste, hydrologue, écologue …).
Proposition des axes de travail à poursuivre pour le groupe de travail :
- Les conditions du renforcement de la biodiversité (faune, flore) dans la ville historique : mise en œuvre des continuités de trames et corridors écologiques, prise en compte des espèces propres aux espaces empierrés (plantes rudérales, chiroptères, avifaune…) en collaboration avec l’OFB.
- Comment réouvrir et redécouvrir les cours d’eau en cœur de ville pour le rafraîchissement, la biodiversité et, au-delà, l’intérêt esthétique et attractif pour le territoire ?
- La protection et valorisation des anciens dispositifs défensifs (remparts, enceintes, glacis…) en boucliers verts des centres anciens. Quels rôles ces espaces non aedificandi peuvent-ils jouer et dans quelles conditions ?
- Les actions à conduire pour convaincre, sensibiliser, acculturer les habitants à la question de la nature en ville. Comment mobiliser la participation citoyenne indispensable à la mise en œuvre de la végétalisation, à sa protection et à son entretien ?
Rappel des huit webinaires organisés sur ces thématiques en 2022-2023 dans le cadre de la session « 1 heure, 1 expérience » disponibles en replay depuis l’espace adhérent du site de Sites & Cités.
- « Le permis de végétaliser » (Saint-Chamas, Sommières)
- « La lutte contre l’artificialisation des sols » (Rennes Métropole, Paris)
- « La renaturation des cimetières » (Dijon, Bordeaux)
- « L’arbre en ville » (Strasbourg, Lyon)
- « Recréer des sols vivants en centre ancien » (Fontevraud l’abbaye et Saumur)
- « La nature pour rendre la ville résiliente » (Elne)
- « Plan paysage et Nature en Ville », (Communauté de communes des porte de l’entre deux mers)
- « L’eau dans la valorisation des espaces publics »- (St Omer et St Brieuc)