Il y a plus d’un demi siècle, la Loi Malraux marquait l’histoire de nos villes. Grâce à la reconnaissance de notre immense patrimoine urbain, face à la nécessité de sa sauvegarde, face aux destructions de la guerre et à l‘insalubrité de nos centres, l’État engageait une politique nationale. Cette politique a grandement contribué au développement et au rayonnement d’une centaine de villes.
Aujourd’hui un nouveau défi est à relever. Il y a urgence à prolonger ce premier succès car un grand nombre de villes petites et moyennes est resté à l’écart de ce mouvement. C’est à un véritable décrochage culturel, social, économique, c’est à une rupture dans l’aménagement de notre territoire que nous sommes confrontés. La Loi relative à la Liberté de création, à l’Architecture, au Patrimoine, avec les nouveaux « Sites patrimoniaux remarquables » qu’elle a créés, est la chance qui s’offre pour agir. Ce sont en effet environ 600 villes petites et moyennes qualifiées « site patrimonial remarquable » qui voient leurs centres historiques se vider et se dégrader. Or on ne les sauvera pas sans faire renaître leurs centres, en y faisant revenir des habitants et des activités. C’est là le cœur du « projet global de développement » de ces villes, projet qu’il faut construire grâce à un fort engagement de l’État et des Régions dans le cadre du Plan National des nouveaux espaces protégés.
Le Plan National doit être fondé en premier lieu sur le principe des Alliances avec les villes et leurs institutions les plus puissantes, avec les territoires ruraux qui ont besoin de « pôles de centralité » pour les faire vivre. Ce principe se traduit par les réseaux de transport à développer, les accords à provoquer entre les hôpitaux, entre les institutions et structures culturelles, entre les acteurs économiques.
Un deuxième aspect est lié à la nécessité de créer une maîtrise d’œuvre urbaine patrimoniale permanente grâce à l’association des compétences déjà existantes, autour d’un chef de projet. Si beaucoup de compétences existent, elles sont malheureusement dispersées. Il faut les rassembler à l’échelle des territoires, faire travailler les architectes, les urbanistes, les paysagistes, faire travailler les équipes des parcs naturels et des agences d’urbanisme les plus proches, développer une nouvelle conception de « l’agence de développement » en faveur de l’investissement créatif dans nos villes.
S’agissant du contenu, la priorité du projet de développement global c’est l’habitat en centre ville dont l’abandon est le signe le plus inquiétant du dépérissement. Une cause évidente de cette situation est la priorité constante apportée au logement neuf en périphérie des villes, au détriment des aides en faveur du logement ancien en centre ville. C’est un véritable renversement des politiques qu’il faut provoquer
Ce sont aussi les habitants qui permettront aux commerces de se maintenir en centre ville. Malheureusement le commerce est un des pires exemples des politiques contradictoires menées par les élus, avec la complicité de l’État. La prolifération anarchique en périphérie des surfaces commerciales détruit nos centres, l’environnement de nos villes et leurs entrées.
Enfin on développera l’attractivité de nos villes en faisant converger trois dynamiques : l’accessibilité notamment numérique, le renforcement d’un accueil de qualité et du tourisme, l’innovation culturelle et patrimoniale. L’arrivée du haut débit, encore loin d’être acquise, doit permettre d’implanter des activités et des projets où se mêlent les services privés et publics. Ces projets apparaissent déjà dans certaines villes grâce à une offre de locaux peu coûteux et à la qualité environnementale de l’architecture et du paysage. Concernant le tourisme, un programme est à organiser avec Atout France et les Régions, pour moderniser et créer une « hôtellerie patrimoniale » qui renforcera le rôle des centres historiques dont le potentiel est sous-exploité. Enfin, la mise en œuvre tout au long de l’année d’une politique culturelle, artistique, patrimoniale peut être un atout pour le maintien des habitants, et mieux, pour leur retour, ainsi que pour le rayonnement des villes.
La gestion du Plan National se fera avec une forte déconcentration vers les préfets de Région en lien avec les présidents de Région. Au sein du Commissariat général à l’égalité des territoires, une mission réunissant les directeurs des administrations concernées sera créée pour assurer le financement et le suivi du Plan National. Elle s’appuiera sur un observatoire des villes et des territoires.
Les financements seront ceux qui existent déjà en les rassemblant sur les priorités. C’est dans la démarche et la réforme des comportements des administrations, des opérateurs qu’on progressera, sachant qu’il s’agit d’une action combinée qui s’inscrit dans la durée d’un Plan National à 10 ans.
Yves Dauge, 28 septembre 2016