En 2022, la Métropole Rouen Normandie a renouvelé son label Pays d’art et d’histoire pour dix années supplémentaires. Cette reconduction souligne la politique patrimoniale que la Métropole a développée ces dernières années et qu’elle ancre désormais sur des objectifs de transition sociale et écologique.

Cette stratégie repose sur une valorisation différente des patrimoines, bousculant les codes traditionnels. Les actions menées, comme des ateliers participatifs artistiques dans les quartiers en rénovation, ainsi que les ressources mobilisées, telles que des experts mais aussi des guides-habitants, illustrent cette approche novatrice. C’est aussi toute une sémantique qui fait un pas de côté : on ne parle plus d’attractivité mais d’hospitalité du territoire, ce qui change entièrement la manière dont la Métropole Rouen Normandie travaille.

Ce changement de posture trouve son origine dans l’incendie industriel de Lubrizol, un événement marquant qui a conduit le territoire à adopter une politique de transition écologique pour préserver l’avenir des générations futures. Cette transition ne concerne pas seulement l’environnement mais inclut également une transition sociale. Il s’agit de repenser les rapports à l’autre, à la ville, aux communs et bien sûr, aux patrimoines.

La Convention de Faro, portée par le Conseil de l’Europe depuis 2005, définit une nouvelle vision du patrimoine culturel qui met l’accent sur les significations, les usages et les valeurs que les individus attachent aux patrimoines, plutôt que sur les lieux eux-mêmes. Selon cette convention, le patrimoine est une ressource et un engagement démocratique.

Ainsi, la Métropole Rouen Normandie et son service Patrimoines, ont choisi d’orienter leurs projets en suivant les principes de la Convention de Faro. Ce choix s’est concrétisé en octobre 2022 par une adhésion symbolique de la ville de Rouen et de la Métropole Rouen Normandie à cette convention, une démarche qui a imprégné le dossier de renouvellement du label. Les trois axes de la stratégie qui guideront les actions des dix prochaines années ont été pensés sous l’angle de cette convention : développer l’hospitalité du territoire (tourisme), accompagner la transition sociale et écologique du cadre de vie (urbanisme) et écouter et donner à entendre la pluralité des récits d’un territoire (culture).

Rouen et la Métropole Rouen Normandie ont ainsi mis en place des projets pour concrétiser cette volonté de changement. Un exemple marquant est la redécouverte du passé négrier de la ville qui s’inscrit dans une dynamique de coopération visant à rendre compte de la pluralité des récits historiques.

Le travail a commencé avec les recherches de l’universitaire Éric Saulnier dans les années 1990 et a été enrichi par d’autres recherches par la suite. En 2020, les musées normands se sont saisis de ce sujet et ont organisé des séminaires et colloques pour identifier dans leurs collections les objets qui pourraient raconter cette histoire. Ce travail a abouti en 2023, à une triple exposition intitulée « Esclaves, mémoires normandes », présentée par les musées d’Honfleur, du Havre et de Rouen.

Cependant, pour garantir un récit pluriel, Rouen n’a pas limité l’histoire de la traite négrière à une simple expertise scientifique. La ville a sollicité les témoignages d’Afrodescendants qui, grâce à leur héritage familial ou à leur vécu, soulignent les liens entre le passé et le présent.

Dans le cadre de l’exposition de 2023, le service Patrimoine, Métropole d’art et d’histoire Rouen Normandie a créé une visite guidée. Soucieuse de ne pas imposer un seul discours, l’équipe a collaboré pour la création d’un cycle de visites avec les communautés patrimoniales qui souhaitent porter un discours sur l’esclavage et plus largement sur l’indignité humaine. Ainsi, deux autres propositions sont venues compléter cette visite guidée : une première en lien avec la musique guadeloupéenne ainsi qu’une deuxième en partenariat avec les auteurs du livre Rouen colonial.

La reconduction du label Pays d’art et d’histoire pour la Métropole Rouen Normandie marque un engagement clair vers une valorisation du patrimoine fondée sur la transition sociale et écologique. En s’appuyant sur les principes de la Convention de Faro, la Métropole met en avant une approche démocratique, inclusive et participative. 

Sites et Cités soutient ces initiatives, qui ouvrent de nouveaux espaces de dialogue et de réflexion, faisant du patrimoine un vecteur de transformation sociale et culturelle pour les générations futures.