Le 22 novembre 2024, lors de la Rencontre nationale des Villes et Pays d’art et d’histoire à Paris, Martin Malvy intervenait en ouverture, aux côtés de Jean-François Hébert, Directeur général des patrimoines et de l’architecture.
Dans son propos, Martin Malvy a évoqué le contexte de la création du label, les acteurs qui l’ont animé, son développement et son lien étroit avec les enjeux de préservation du patrimoine et l’aménagement culturel du territoire. Il a rappelé l’importance de cette politique transversale, et proposé de nouvelles ambitions pour ce label majeur, qui fêtera ses 40 ans en 2025 !
Retrouvez ci-dessous l’intégralité de son propos liminaire :
« Monsieur le Directeur du Patrimoine, Mesdames, Messieurs,
Revenons 50 ans en arrière, quand le dimanche matin, pendant 12 minutes, sur TF1, Michel Péricard parlait de « la France défigurée ». Je me souviens d’un déjeuner avec lui à Cahors. Il cherchait des thèmes. J’étais journaliste.
A la même époque, ancien directeur de l’architecture, sous l’autorité d’André Malraux – Ministre d’Etat du tout nouveau ministère des Affaires culturelles – Max Querrien qui collaborera plus tard avec Jack Lang, préside la Caisse des Monuments historiques.
C’est lui qui crée le label « Ville d’Art » auquel succèdera en 1985 celui de « Ville d’Art et d’Histoire », puis de Pays d’Art et d’Histoire.
Il me parait nécessaire de rappeler ceci.
Max Querrien fait en effet partie de ces hauts fonctionnaires qui à partir des années 1960 vont accompagner une véritable croisade pour la qualité architecturale, la promotion et la sauvegarde de notre patrimoine bâti ,comme le rappelait à ses obsèques, Pascal Clément, il y a cinq ans. C’est à ce moment-là que de nombreux élus ont pris conscience du rôle essentiel des architectes des bâtiments de France dont je remarque que les maires de notre association n’ont jamais contesté l’indispensable présence, regrettant par contre que leur nombre n’ait pas suivi l’accroissement de leurs missions.
On peut déplorer souvent certaines insuffisances. Nous sommes français. Nous ne nous gênons pas. Mais on ne peut pas nier l’effort fait en un demi-siècle pour la création de lieux de culture, la rénovation de notre patrimoine, le développement des structures. Combien de ruines réparées si bien sûr, elles ne le sont pas toutes. Aujourd’hui, près de 80 scènes nationales. Il n’y en avait que 5. Combien de médiathèques, d’orchestres nationaux, de nouveaux musées ! Contre la morosité l’objectivité consiste à reconnaitre que nous avons traversé une époque heureuse, même encore une fois si les insatisfactions et les insuffisances demeurent, principalement en matière d’espaces publics et de bâti ancien.
Pourvu que l’effort se perpétue. Aucun d’entre nous n’en est hélas convaincu.
Le label, c’est la préservation et la valorisation du patrimoine, l’affirmation et la concrétisation d’une volonté locale, la reconnaissance par l’Etat de l’Utilité Publique de la démarche.
La création d’une « Association Nationale des Villes et Pays d’Art et d’Histoire », idée à laquelle Max Querrien avait souscrit, s’il ne l’avait soufflée à certains, a peu à peu pris forme pour être officialisée en 2000, à une époque où le label ne dépendait plus de la Caisse, le Ministère en ayant pris la compétence en 1995, démontrant par ce geste l’importance qu’il lui témoignait.
Le projet des élus consistait à batir un réseau de ces villes, grandes ou petites communes, et de ces Pays, et intercommunalités.
Dans un souci d’efficacité, en 2003, l’association s’ouvrait aux Secteurs Sauvegardés et aux ZPPAUP. Dans la foulée de la loi LCAP, en 2016 elle décidait de modifier son intitulé et devenait : « Sites et Cités remarquables de France – l’association Nationale des villes et pays d’art et d’histoire et des Sites Patrimoniaux Remarquables » tout en conservant ses diverses authenticités. C’est ainsi par exemple que venant d’adopter une marque : « Vivre l’Histoire en son cœur », elle a décidé de la décliner à la fois pour les Villes et Pays d’Art et d’Histoire, et les Sites Patrimoniaux remarquables.
Aujourd’hui, l’association compte plus de 315 membres et près de 2000 communes par le jeu des EPCI.
Réseau entre les collectivités, les maires et présidents d’EPCI mais aussi les services qui allaient se développer avec des personnels qualifiés – chefs de projets et guides- conférenciers entre autres ; réseau comme interlocuteur de l’Etat, ministères et institutions, Régions, Europe ; un certain nombre de partenaires, que ce soit en direction du conseil, de la formation, de la recherche, de la coopération internationale, du développement économique, et donc de l’économie touristique, c’est-à-dire de l’aménagement du territoire et du développement durable.
La place du Patrimoine dans l’économie nationale n’a jamais été aussi manifeste et reconnue. Le PIB du tourisme est à même hauteur que celui de l’agriculture et des industries agro-alimentaires. Des problèmes qui ne se posaient pas il y a quarante ans dominent maintenant. Ils sont, vous le savez de diverses natures. C’est ce qui, par exemple nous a conduit à nous intéresser de très près au Diagnostic de Performance Energétique pour le bâti d’avant 1948 – nous ne sommes pas rassurés par le suivi donné aux multiples mises en garde qui ont été adressées au Gouvernement –, ou au logement, en prônant un plan spécifique pour les Sites Patrimoniaux Remarquables, donc pour les Villes d’Art et d’Histoire où le vacant est plus conséquent qu’ailleurs et où ne se pose pas le problème de l’acceptation du ZAN puisque, par définition les disponibilités foncières existent et sont disponibles.
Nos objectifs sont tournés vers la préservation, la qualité de la vie pour celles et ceux qui habitent les centres anciens. Ils le sont vers la connaissance, la pédagogie, vers l’usage, vers la promotion et, j’insiste, vers l’intérêt économique qui s’attache à la valorisation du patrimoine et aux expressions culturelles qui accompagnent le label.
Nous sommes sensibles à la volonté exprimée Monsieur le Directeur, par vous-même et vos collaborateurs, de revisiter le label « Villes et Pays d’Art et d’Histoire » 40 ans après. En le resituant dans la globalité de la ville et de son territoire, et donc dans la satisfaction de ce que sont ses besoins, et dans la perception que doivent en avoir ses propres habitants et ceux qui le découvrent.
Des réponses à ce type d’interrogations dépend en partie l’avenir des Centres historiques et donc des Villes et Pays d’Art et d’Histoire dont une partie du suivi pourrait être confiée aux commissions locales instaurée par la loi LCAP dans les Sites Patrimoniaux.
Avec l’affirmation du rôle des ABF par la mission parlementaire qui a récemment traité du sujet nous pensons le problème maintenant bien identifié.
Plusieurs constats doivent nous amener à réfléchir pour ce qui est du label. Son intérêt n’est pas contesté.
Suffisamment d’élus, de chefs de projets, de guides-conférenciers ou de présidents d’offices de tourisme en témoignent. Par contre, comment se fait-il que le nombre de sites labellisés ne soit pas plus élevé. 203 territoires quand on sait la richesse de la France en matière patrimoniale ? Si le lien n’est pas mécanique il existe néanmoins : du nombre dépend la puissance de la communication. Et donc le poids et l’efficacité. Le problème ne me parait pas se situer dans le manque d’intérêt. L’est-il dans une trop grande complexité de l’accès au titre, dans le coût de l’instruction, dans celui du fonctionnement, dans la difficulté dans laquelle se trouvent les services déconcentrés de l’Etat, non seulement de se préoccuper de sa promotion auprès des collectivités, mais d’accompagner les procédures en matière de disponibilité comme de moyens financiers ?
Nous souhaiterions qu’un objectif soit fixé : 1 projet de labellisation abouti par département tous les cinq ans. C’est loin d’être la mer à boire ! Et pourtant cela permettrait de doubler en 10 ans le nombre de Villes et Pays d’Art et d’Histoire. L’ambition est suffisamment modeste pour être entendue et reconnue pour ce quarantième anniversaire.
J’ai évoqué le double intérêt qu’il y a à conférer le label à un certain nombre de territoires. Mais, labelliser, c’est identifier.
C’est garantir à l’utilisateur, où qu’il se trouve que le produit qu’il cherche est bien le même, ou tout du moins qu’il répond aux mêmes critères.
Tous les territoires affichant le logo des VPAH doivent donc présenter et donc respecter les mêmes principes et obligations qui leur ont valu d’être labellisés, et ce, dans la durée.
Je pense que viendra dans vos discussions le sujet de la déconcentration. Et j’espère que dans la réflexion qui suivra, ce sujet sera examiné objectivement.
Autant nous étions favorables à ce que l’instruction des conventions soient intégralement confiées aux DRAC, autant nous continuons d’être convaincus que l’attribution définitive doit être le fait du ministre de la culture lui-même. Non par défiance à l’égard des Préfets mais parce que 18 signatures différentes ne peuvent pas signifier la même prise en considération de la finalité du projet, et ce, d’autant plus qu’aucune commission régionale du Patrimoine et de l’Architecture ne parviendra à établir sa propre jurisprudence compte tenu du fait que certaines n’auront même pas à connaitre un seul dossier tous les 3 ou 4ans. Raison supplémentaire me semble-t-il pour que dans la désignation des membres des CRPA figure la présence d’un membre de notre association, représentée par un ou une vice-présidente par Région. Ou pour que d’une manière ou d’une autre, les chefs de projets puissent être inclus dans la politique régionale des DRAC.
La déconcentration du label ne relève pour nous que d’une volonté d’affichage. Ce n’est pas moins de travail, moins de paperasse. C’est moins pour le label.
Le Conseil national a été heureusement préservé. La remise du label par le ministre de la Culture, une fois par an, assortie de l’examen d’un rapport sur l’actualité du label permettrait de s’assurer de son homogénéité territoriale, de sa progression et de participer à sa promotion qui, je me permets d’insister est essentielle à la prise de conscience de la valeur des acquis historiques que perpétuent le patrimoine et , au-delà du fait patrimonial, des conséquences sociétales et économiques de sa valorisation.
Voilà Mesdames, Messieurs ce que l’association que j’ai l’honneur de présider, pour un temps encore, souhaitait exprimer au moment ou débutent vos travaux, qui en eux-mêmes traduisent bien l’intérêt qui depuis 40 ans s’attache à la mise en œuvre d’une politique qui respectueuse du passé et de son récit s’attache à l’enseigner, à maintenir des métiers menacés et à en développer les usages.
Nous nous félicitons de la qualité des relations avec le ministère, votre direction et vous-même Monsieur le Directeur.
Si vous devez dans cette journée examiner comment rendre plus dense la collaboration avec nos membres et « Sites et Cités », nous sommes disponibles.
Nous aurons l’occasion d’en reparler dans quelques jours lorsque nous signerons le renouvellement de la convention qui nous unit, notamment sur le label et ce, depuis 20 ans.
L’année prochaine, nous tiendrons notre congrès à Riom. Ce sera le quarantième anniversaire du label mais aussi le 25e pour « Sites et Cités ». Nous vous y convions déjà.
J’espère qu’il nous permettra d’examiner avec vous les enseignements de ce colloque et comment mieux faire désirer « Villes et Pays d’Art et d’Histoire ». A chaque ville nous demanderons de préparer un événement. Si vous en partager l’objectif, nous pourrions le partager.
Bonne poursuite de cette journée. Et merci pour votre écoute. »
Martin Malvy
Président de Sites & Cités remarquables de France- L’association des Villes et Pays d’art et d’histoire et des Sites patrimoniaux
Ancien Ministre