Compte-rendu d’atelier

Jeudi 13 juin, lors du Congrès national de Sites & Cités, Angers

L’adaptation au changement climatique, dont la gestion de la chaleur en ville, représente un défi croissant pour les territoires du monde entier. Pour y faire face, des mesures significatives sont à mettre en place afin de rendre les villes plus résilientes et préparées aux enjeux climatiques, tant au niveau national qu’international.

Pour illustrer ce sujet, l’atelier a proposé des retours d’expériences de projets menés à différentes périodes, par différentes collectivités et acteurs, en France comme à l’international. L’objectif étant d’aborder le problème des changements climatiques auxquels nos villes et leurs patrimoines sont confrontés, ainsi que d’explorer les réponses qui peuvent être proposées.

S’enrichir collectivement des expériences de chacun, construire des projets aux bénéfices mutuels, c’est l’objet de nombreux projets de coopération internationale. Sites & Cités remarquables travaille sur ces sujets depuis sa création. Elle a développé une expertise aujourd’hui particulièrement recherchée par des partenaires internationaux. Ces échanges ont conduit l’Association à développer des projets avec les Balkans, la Méditerranée, l’Afrique subsaharienne et plus récemment l’Amérique latine. Puebla, ville représentée durant cet atelier, fait partie de nos partenaires internationaux.

PRESIDENT DE L’ATELIER
Gilbert DARROUX, Conseiller municipal délégué chargé de l’Écologie, ville d’Autun
ANIMATEUR
Jonathan FEDY, Directeur adjoint de Sites & Cités
INTERVENANTS
Denis BARBET, Délégué-adjoint pour les collectivités territoriales et la société civile, au Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères
Sébastien GIORGIS, Maire-adjoint de la Ville d’Avignon en charge de l’attractivité territoriale et touristique, du patrimoine historique et des grands événements
Catherine MORIN-DESAILLY, Sénatrice de Seine-Maritime, conseillère régionale Normandie 
Moustaph NDIAYE, Gestionnaire du site île Saint-Louis du Sénégal, inscrit patrimoine mondial de l’UNESCO 
Bérénice VIDAL CASTELAN, Directrice du Centre du patrimoine historique et culturel de Puebla, Mexique


Synthèse des interventions

Catherine Morin-Desailly, Sénatrice de la Seine-Maritime et conseillère régionale de Normandie, a abordé l’importance de la coopération internationale. L’expertise française jouit d’une reconnaissance internationale, elle témoigne d’une véritable appréciation par les pays internationaux et d’un besoin croissant envers les compétences des ministères et collectivités françaises. Les collectivités françaises disposent d’une expertise de plus en plus vaste, ce qui favorise les projets de coopération décentralisée. Cependant, ces compétences ne sont pas toujours bien coordonnées au sein de l’État français. Il est essentiel de renforcer la coordination entre les ministères, en particulier en rapprochant le ministère de la Culture et celui des Affaires étrangères, ainsi qu’avec les différents acteurs tels que les Instituts et les associations.

Pour permettre le rapprochement des acteurs, la Sénatrice propose d’organiser des rencontres stratégiques annuelles, avec une représentation des collectivités impliquées dans la coopération décentralisée à un haut niveau. De plus, il est crucial de créer une plateforme unique regroupant tous les appels à projets dans chaque domaine, offrant ainsi une porte d’entrée centralisée pour une meilleure visibilité sur les différentes opportunités disponibles.

Il est impératif que l’Europe prenne en charge la compétence patrimoine, au même titre que les collectivités, et que le patrimoine soit reconnu comme un sujet à part entière. Le patrimoine représente un enjeu universel, et la France a un rôle clé à jouer dans ce domaine grâce à ses réseaux de soutien et d’expertise, tel que Sites & Cités, qui appuie les collectivités dans leur projet de coopérations internationales.

La ville d’Avignon

Avignon, ville méditerranéenne et médiévale, a innové depuis de nombreuses années dans l’adaptation de son centre ancien aux enjeux climatiques.  

Pour assurer une bonne gestion des villes, il est crucial de partir de la spécificité de chaque territoire pour répondre aux différents enjeux, notamment environnementaux. Chaque ville doit trouver des solutions adaptées à ses ressources.

Pour lutter contre les îlots de chaleur urbains, la collectivité s’appuie par exemple sur l’épaisseur des murs des bâtiments afin de conserver la fraîcheur à l’intérieur des habitations durant l’été. De plus, la ville a instauré un plan climat avec des mesures spécifiques contre les îlots de chaleur, dont la suppression de parkings et la création d’espaces verts accessibles à pied en moins de dix minutes pour chaque habitant. La priorité est également donnée à rendre les sols perméables pour alimenter la nappe phréatique et rafraîchir la ville, ainsi qu’à mieux maîtriser la biodiversité grâce, par exemple, à la « Charte de l’arbre ». Cependant, la végétalisation, bien qu’importante, ne suffit pas à lutter contre l’érosion de la biodiversité, d’où la création d’un inventaire de la biodiversité sur le territoire. Un nouveau Plan Local d’Urbanisme (PLU) a également été élaboré. Qualifié de « bioclimatique », il intègre des questions d’énergie, d’accessibilité et de patrimoine.

De plus, l’adaptation des horaires au climat, comme favoriser la vie nocturne, est une solution, exemplifiée par le décalage des horaires du festival d’Avignon.

La coopération décentralisée doit jouer un rôle essentiel dans l’échange de pratiques et la recherche de solutions. Tel est par exemple le cas avec l’ONG Volubilis, dont le siège se situe à Avignon, qui favorise les échanges d’expérience entre villes méditerranéennes, comme Avignon et Marrakech, où se trouve des éléments architecturaux et culturels, tels que l’architecture de terre ou les persiennes, qui permettent de rafraîchir les villes malgré un environnement peu arboré.

Par cette intervention, Sébastien Giorgis, maire-adjoint d’Avignon, souligne l’importance de réanalyser nos pratiques locales tout en apprenant des autres pays.

L’Île Saint-Louis au Sénégal

Moustaph Ndiaye, gestionnaire du site de l’île Saint-Louis au Sénégal classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, a présenté une expérience mettant en lumière un site exceptionnel particulièrement affecté par le changement climatique.

Au Sénégal, l’île de Saint-Louis, construite sur de l’eau, est extrêmement fragile. Le secteur sauvegardé se trouve sur une minuscule bande de terre. La zone tampon, appelée « langue de barbarie », protège le site en le séparant de l’océan Atlantique. Ce site amphibie serait menacé de disparition dans les 50 prochaines années si la « langue de barbarie » venait à disparaître. L’île est régulièrement frappée par des inondations fluviales et marines, des fortes crues et l’érosion côtière.

Bien que l’île soit un site exceptionnel, elle est très fortement menacée. Dans le secteur sauvegardé, les remontées capillaires abîment et détruisent les bâtiments, y compris ceux en fer et en bois. Pour lutter contre ces menaces, des solutions comme l’endiguement par la roche ont été mises en place, mais ce n’est pas assez efficace contre la forte houle.

La coopération décentralisée joue un grand rôle dans ce contexte : l’État français apporte un grand soutien pour la préservation de l’île. Le programme de développement touristique, axé sur la valorisation du patrimoine, constitue le socle de ce soutien, avec l’aide de multiples acteurs, notamment les ministères et les chambres consulaires. Par exemple, grâce à ce programme, les maisons de grande qualité architecturale mais en péril ont pu être réhabilitées.

La ville de Puebla, Mexique

La seconde expérience internationale, présentée par Bérénice VIDAL CASTELAN, Directrice du Centre du patrimoine historique et culturel de Puebla au Mexique, a également souligné ce besoin d’adaptation dans les centres anciens.

Puebla, ville proche de Mexico, s’apprête à célébrer ses 500 ans. C’est une ville minéralisée qui fait face à de nombreux enjeux, notamment l’adaptation aux changements climatiques. Depuis 2021, Puebla s’engage fortement dans des initiatives écologiques.

La protection de Puebla ne concerne pas uniquement les bâtiments, mais l’ensemble du cadre de vie. Le centre historique est très fréquenté et animé, car de nombreuses personnes y travaillent. Il est donc important d’en faire un lieu de vie agréable pour les citoyens.

Pour contrer les problèmes climatiques, Puebla a mis en place un plan intégré et favorise la participation citoyenne. Face à la chaleur insoutenable en journée, des jardins de pluie, un aménagement végétalisé en creux qui fait partie des techniques de gestion intégrée des eaux pluviales au niveau d’une parcelle, ont été construits et les rues ont été végétalisées. La ville collabore étroitement avec les citoyens, organisant des ateliers sur le terrain pour recueillir leurs idées et suggestions.

La réhabilitation des rues est l’occasion de moderniser tous les équipements urbains. Par exemple, dans la rue Calle de los Dulces, les mobilités douces ont été favorisées par la piétonisation et la réduction de l’espace dédié aux voitures. La nature a été intégrée à travers par exemple des jardins de pluie et des arbres, rendant la rue plus agréable pour les habitants.

La participation citoyenne inclut également les enfants, qui contribuent en partageant leurs avis et leurs ressentis, comme sur la température et la pollution sonore. Les enfants sont considérés comme l’espoir de la ville et leur implication est essentielle dans les démarches de développement territorial. Lorsqu’on leur demande comment ils imaginent la ville dans 50 ans, ils répondent « verte, avec beaucoup de végétation ».

Dans les centres historiques, il est crucial de se demander ce que l’on souhaite protéger et conserver : le bâti ou une société capable d’y habiter malgré tous les défis et enjeux ?

Le ministère des Affaires étrangères joue un rôle clé pour la coopération entre collectivités. Denis BARBET, Délégué-adjoint pour les collectivités territoriales et la société civile, Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères, a présenté durant cet atelier comment la Délégation pour les collectivités territoriales et la société civile (DCTCIV) définit et met en œuvre la stratégie de soutien du ministère : appels à projets, dispositifs conjoints, programme de valorisation de l’expertise territoriale, etc.

L’action internationale des collectivités est essentielle pour le rayonnement de la France. Elle permet de mettre en valeur leur expertise, de renforcer leur attractivité, notamment économique, et de favoriser les partenariats à l’étranger. Pour cela, le Ministère des Affaires étrangères lance de nombreux appels à projets dans divers domaines, tels que la culture et le patrimoine, en y apportant un soutien financier. Le MEAE a établi un partenariat avec Sites & Cités depuis plusieurs années pour la coopération en développant un appel à projet intitulé « Patrimoine et coopération décentralisée ».

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