Date / Heure
Date(s) - 15/06/2017 - 16/06/201700:00 - 23:59
Le paysage a indéniablement connu son heure de gloire juridique : entre la « loi Paysage » en 1993 et la Convention européenne sur le paysage, signée à Florence en 2000, cet objet autant géographique que philosophique a été véritablement consacré par le droit. Au point d’en obtenir une définition, appropriée 16 ans plus tard par l’ensemble des professionnels du paysage. Pourtant, au fil des années, l’objet semble perdre en lisibilité ; il se floute et s’estompe dans le système juridique. Ainsi les deux dernières lois adoptées au cours de l’été 2016 réservent une place véritablement insignifiante au paysage, alors qu’elles avaient toutes les raisons de lui consacrer l’épisode 2 de son histoire juridique :
- la loi du 7 juillet 2016 relative à la « Liberté de création, à l’architecture et au patrimoine » fusionne d’autorité les AVAP (Aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine) avec les « secteurs sauvegardés », au risque de dissoudre le succès des premières, fortement paysagères depuis 1993, dans les exigences très historiques des 2d ;
- la loi du 8 août 2016 pourtant baptisée « loi de reconquête de la biodiversité, de la nature et du paysage », ne consacre que quelques maigres articles à ce dernier. Elle transpose maladroitement dans le code de l’environnement un échantillon aléatoire de dispositions de la CEP. Elle a par ailleurs failli enterrer l’instrument des sites inscrits (4000 en France) pourtant essentiel à la surveillance des paysages.
A la lumière de cette étape législative, pourtant conséquente en termes d’enjeux paysagers, on peut donc légitimement se poser un certain nombre de questions sur l’appréhension contemporaine du/des paysages par le droit français, et de quelle manière ce dernier consacre le « droit au paysage » évoqué par la ministre de l’écologie en 2015 :
- Dans une ère de (sur)patrimonialisation, le paysage représente-t-il un patrimoine comme les autres au regard de la dialectique entre conservation et transformation qui le traverse ? Sous cet angle, les outils de protection et de gestion du patrimoine paysager restent-ils adaptés à des territoires en transition sociale, énergétique, économique, etc. ? Ou sur un autre plan, quelle place le droit fait-il aux usages du paysage, qui pour certains l’ont fabriqué, pour d’autres l’altèrent ou le menacent ?
- Dans l’articulation voulue par la Convention de Florence entre grands paysages et paysages ordinaires, quelle place occupe le droit de l’urbanisme par essence transversal au(x) territoire(s), et dont la loi ALUR a finalement réservé une place législative au paysage plus importante que les lois récentes ? Quel bilan peut-on d’ailleurs faire de certains outils réglementaires mis en place par le loi Paysage et dont l’évaluation qualitative manque encore, comme le volet paysager du permis de construire ou les directives paysagères ? Enfin quel peut être l’impact de l’entrée dans le code de l’environnement des « objectifs de qualité paysagère » consacrés par la loi Biodiversité ?
- En lien avec ces enjeux de planification territoriale et urbaine (SCOT-PLUi), et au regard du brassage spectaculaire des collectivités locales généré par les fusions de communes et la création de structures intercommunales XXL (autre forme de transition), quels impacts de la recomposition territoriale sur la gestion des paysages ? Quelle est l’échelle spatiale et temporelle pertinente pour une bonne gestion des paysages ?
- Enfin, la montée en puissance des processus participatifs dans le cadre de projets d’aménagements ou de planifications ayant des incidences sur le paysage est-elle suffisamment accompagnée par le droit, ou au contraire, ralentie ou bridée ? Les exigences des conventions d’Aarhus comme de Florence, ainsi que la Charte constitutionnelle de l’environnement rendent nécessaire cette co-construction des paysages : comment les lois et codes français l’organisent elle ? Dans quelle mesure le droit du paysage est-il ajusté sur ou dépassé par l’innovation sociale d’une démocratie participative quantitativement limitée mais qualitativement foisonnante ?