Compte-rendu d’atelier

Vendredi 14 juin, lors du Congrès national de Sites & Cités, Angers

Nombreux sont les apriori qui stigmatisent les centres anciens comme des espaces « figés » ou « sous cloche ».

Pourtant, force est de constater que les centres anciens sont des espaces en mouvement, des lieux de création, riches de projets, et particulièrement sur des projets architecturaux contemporains.

Les espaces protégés représentent 10 % du territoire national – 2 % pour les Sites patrimoniaux remarquables et 8 % pour les abords des Monuments historiques – mais rassemblent 60 % des projets primés dans le domaine architectural, preuve de leur dynamisme, rappelle Xavier Clarke de Dromantin du Ministère de la Culture. Le récent grand prix de l’Equerre d’argent remis en 2022 pour la médiathèque Charles-Nègre, dans le centre ancien de Grasse, en est l’une des illustrations. Un projet où la création architecturale s’est inscrite dans un dialogue entre l’ensemble des acteurs.

L’architecture contemporaine en centre ancien amène à plusieurs questionnements : A différentes échelles, comment permettre la création et l’intégration contemporaine ? Comment adapter le bâti ancien, en respectant l’existant et en travaillant sur la contemporanéité des usages ? Quel équilibre à trouver ? Et quelle pérennité des projets ?


PRÉSIDENT DE L’ATELIER
Nicolas DUFETEL, Maire-adjoint au patrimoine Angers, Vice-Président de Sites & Cités pour la région Pays de la Loire
ANIMATEUR
Denis GRANDJEAN, Ancien directeur de l’École nationale supérieure d’architecture Nancy, expert auprès de Sites & Cités
INTERVENANTS
Olivier ABSALON, Directeur du patrimoine, Nantes
Thibaut BABLED, Architecte, Gérant du cabinet d’architecture Babled
Xavier CLARKE de DROMANTIN, Inspecteur des patrimoines et de l’architecture, Ministère de la Culture
Clément LATIEULE, Architecte à l’Agence Leibar Seigneurin
André MELLINGER, Maire de Figeac


Synthèse des interventions

Nicolas Dufetel, Adjoint au Maire d’Angers, évoque la restructuration de l’ancienne abbatiale Toussaint, en 1984, datant du XIIe siècle, et qui accueille aujourd’hui les œuvres de David d’Angers. Cette réhabilitation illustre cette tradition d’innovation dans l’architecture ancienne et dans les monuments historiques. Tradition qui se poursuit avec le projet de portail contemporain pour la cathédrale Saint-Maurice d’Angers, confiée à l’architecte japonais Kengo Kuma.

« A Angers, l’architecture contemporaine dialogue avec le patrimoine ».

Nicolas DUFETEL

Pour illustrer ces sujets, l’atelier a proposé des retours d’expériences de projets menés à différentes périodes, par des collectivités de taille différentes.

La ville de Saintes et l’architecte Thibaud Babled, alors lauréat du concours Europan, ont mis en œuvre un projet de restructuration de l’îlot de l’Arc de Triomphe, projet d’une décennie, engagé en 1995 par une étude urbaine pré-opérationnelle et achevé 10 ans plus tard par la livraison des constructions, en 2005. Ce projet, modelé par le temps, est parti du contexte particulier du site, très densément bâti. Il a conservé le bâti en lanières, les venelles, a réemployé les matériaux des bâtiments déconstruits et offert des respirations avec des cœurs d’îlots végétalisés.

A Figeac, dans le Lot, ce n’est pas un îlot qui est concerné mais la ville dans son ensemble, relève André Mellinger, maire de Figeac. La Ville a en effet une tradition d’intégration contemporaine, depuis l’aménagement de la place des Ecritures du Monde et l’œuvre monumentale créée par Joseph Kosuth en 1991, commande publique du Ministère de la Culture. Elle a fait du centre et de l’habitat anciens un lieu propice pour le développement de l’architecture contemporaine et d’un confort d’habiter, essentiel au dynamisme de la cité lotoise. En juin 2024, la ville a réaménagé la place des Halles. Et pour ce projet, c’est à partir d’une concertation citoyenne que les usages de la place ont été définis.

Et à Nantes, l’exemple du projet Désiré Colombe (2012-2019) illustre le lien entre mémoire, création et usages contemporains, partagé par la municipalité et le cabinet d’architectes Leibar Seigneurin. Comme le précisent Olivier Absalon, directeur du patrimoine de la Ville de Nantes et Clément Latieule, architecte à l’agence Leibar Seigneurin, un îlot à vivre et durable y a été créé. Il associe plusieurs aspects : une nouvelle offre résidentielle avec 121 logements, proposant une nouvelle mixité en centre-ville ; une vie associative, avec un pôle regroupant en 2024 une soixantaine d’associations, contre 31 à l’ouverture en 2019 ; la réalisation d’un multi-accueil petite enfance de 60 places et l’aménagement du jardin de proximité favorisant de nouvelles continuités piétonnes.

Parallèlement aux constructions contemporaines, les réhabilitations des salons arc-déco « Mauduit », de la Bourse du travail et de l’ancien lycée Livet, du XIXe siècle, participent à révéler les richesses du site et à assurer la continuité du patrimoine bâti nantais.

Ces différents exemples illustrent la capacité des centres historiques, avec leurs volumes, matériaux et dispositions uniques constituant un cadre de vie d’exception, à intégrer la création contemporaine, à condition que celle-ci tienne compte du contexte existant.

« Le projet architectural se nourrit d’un échange et d’une confrontation. Il suscite la discussion et l’échange ».

Xavier CLARKE de DROMANTIN