Revenir à l’esprit du « Malraux pour l’habitat », procéder à un inventaire actualisé des risques
Clôturant à Dax le congrès de « Sites et Cités Remarquables de France » auquel ont participé pendant deux jours près de 500 élus et partenaires des politiques d’urbanisme patrimonial – « Villes et Pays d’Art et d’Histoire – Sites patrimoniaux Remarquables »,- Martin MALVY a précisé les huit constats et propositions issus des débats. Deux thèmes figuraient au programme : « La loi Malraux, 60 ans et après ? » et les conséquences du réchauffement climatique sur les villes et, plus spécialement, sur les centres anciens.
La Loi Malraux : 60 ans et après ? S’organiser pour les défis de demain
La loi Malraux, dont celui qui fut le premier ministre français de la Culture – Ministre d’Etat- déclarait à la tribune de l’Assemblée, le 23 janvier 1962 qu’il souhaitait voir étudier en urgence les dossiers dans lesquels les bénéficiaires étaient des citoyens défavorisés, a-t-elle manqué sa cible ? « De ce point de vue, très largement », estimait Martin MALVY, Président de Sites & Cités. « Elle a été récupérée et a servi le plus souvent d’aubaine, là où les investissements étaient déjà les plus rentables. Cette restriction et ce quasi détournement qui ont favorisé une partie du patrimoine et les investisseurs éclairés doit être corrigée. Sites & Cités revient donc à la charge au moment où les problèmes rencontrés par l’habitat ancien redeviennent d’actualité, et où la réforme du « Malraux Financier » s’impose, comme vient de le rappeler la Cour des Comptes dont l’analyse critique et les propositions rejoignent ce que nous ne cessons de dire depuis des années », rappelait M. Malvy, à savoir l’adaptation de ses critères aux territoires et sa participation affirmée à la politique de l’Habitat dans les centres anciens.
Malraux avait fixé à 400 le nombre des villes à doter d’un « Secteur Sauvegardé ». 60 ans plus tard, la centaine est tout juste dépassée. La loi LCAP (2016) a créé « les Sites Patrimoniaux Remarquables » en intégrant également les anciens dispositifs, les 840 ZPPAUP et les AVAP, avec des protections moindres. Depuis son adoption, 16 nouveaux sites seulement ont été classés. A Dax, la volonté a été évoquée d’un rattrapage avec, pendant les 5 ans à venir, la certification d’au moins un site par département, quel que soit le dispositif reconnu. L’ambition est raisonnable, de même que la contestation d’un trop grand centralisme des décisions, ne serait-ce que pour choisir ce dispositif ou pour en modifier le périmètre. Ce qui provoque une grande frilosité des élus, hésitant à s’engager dans des procédures longues, lointaines et dont ils estiment qu’elles leur échappent.
Contradiction aussi d’ailleurs avec la déconcentration du label « Villes et Pays d’art et d’histoire » au niveau des Régions, favorable en ce qui concerne le rôle attribué aux Directions Régionales des Affaires Culturelles – comme l’a souligné Laurent ROTURIER, président de l’Association des DRAC – mais contestable pour Sites & Cités pour ce qui est de la délivrance, avec le risque d’une méconnaissance du sujet par les Commissions régionales Patrimoine Architecture (CRPA) et les Préfets de Région qui n’auront pour la plupart à gérer qu’un dossier tous les 3 ou 4 ans, ce qui soulève aussi l’insuffisance du nombre de labellisations. La motivation de cette déconcentration n’a été autre que de faire du chiffre quand la décision a été prise par le Gouvernement d’afficher une centaine de transferts de responsabilités de l’Etat Central à ses représentants territoriaux…
Dans sa conclusion, le Président de Sites & Cités a émis le vœu, notamment auprès du représentant du Ministère de la Cohésion des territoires, Rollon MOUCHEL-BLAISOT, préfet en charge du programme « Action Cœur de Ville », que les politiques du type « Action Cœur de Ville » ou « Petites Villes de Demain », largement approuvées par le congrès, fassent l’objet d’une véritable contractualisation entre les collectivités concernées et l’Etat, mais aussi avec les Régions et les Départements qu’il convient d’associer à ces démarches afin de leur garantir le financement de projets dont l’élaboration est longue et coûteuse, et la mise en œuvre, étalée le plus souvent sur cinq ou dix ans a minima.
Enjeux climatiques et environnement : les solutions pour et par les quartiers anciens
Le congrès de Dax, largement consacré au réchauffement climatique et à ses conséquences dans les quartiers anciens, a pris acte de l’urgence à intervenir, après une présentation de la situation et de son évolution par Patrick JOSSE, directeur de la climatologie et des services climatiques de Météo France.
L’Habitat et sa réhabilitation pour mieux répondre aux enjeux, les espaces publics, le problème de l’eau disponible, de sa restriction comme de la violence des précipitations, de la désimperméabilisation des sols, ont fait l’objet d’ateliers dédiés avant la plénière du second jour.
Martin MALVY a notamment insisté dans sa conclusion sur la nécessité d’une réflexion localisée sur l’évolution des risques qui ont fait l’objet de règles et de règlements de protection qui n’ont pris en compte les situations extrêmes auxquels nous risquons d’être confrontés puisqu’elles n’étaient pas envisagées à l’époque où ces documents ont été élaborés. L’inventaire des risques est à repenser, compte tenu de ce que nous connaissons maintenant, sans savoir où se produiront les catastrophes, inondations, ruptures d’ouvrages d’art, glissements de terrains, etc. Ce que nous savons par contre, c’est qu’elles se multiplieront.
L’urgence climatique ne doit pas pour autant être prétexte à l’affaiblissement des protections patrimoniales. Ce propos a été partagé par Emmanuel ETIENNE, Directeur général adjoint des patrimoines et de l’architecture. La suppression envisagée de l’accord des Architectes des bâtiments de France au sein du périmètre de 500 m autour des Monuments historiques pour l’installation de panneaux photovoltaïques doit être abandonnée tout comme l’a été à une époque le projet d’isolation des bâtiments par l’extérieur. La discussion peut être ouverte dans une approche de covisibilité mais lever l’interdit sans préalable dans un périmètre de 500 m serait irresponsable et risquerait de provoquer par contagion la multiplication de ces panneaux en portant une atteinte grave à l’esthétique des centres anciens alors que d’autres solutions existent.
En bref
D’autres sujets ont été abordés à DAX où « Sites & Cités » a démontré la maturité de ses réflexions au-delà des ministères et son intégration dans un vaste réseau de partenaires. L’association proposera au Ministère de la Culture, avec qui un partenariat porte notamment sur le sujet de la renaturation des centres anciens, la création d’un prix annuel sur l’adaptation des villes historiques à la transition. Elle se réinvestira dans le problème de la formation des guides conférenciers, sans doute à l’origine de la diminution de leur nombre et poursuivra, au-delà de la défense du Patrimoine, son engagement en faveur du développement du tourisme durable, avec Atout France et des régions, dans les villes et territoires où le Patrimoine et la Culture constituent un élément fort du développement de l’économie touristique comme évoqué avec Jean-Pierre MAS, président d’Entreprises du Voyage. Enfin, elle poursuivra les actions de coopération internationale soutenues par le Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères dont le représentant au Congrès, M. l’Ambassadeur Jean-Paul GUIHAUME, a mis à profit sa présence à Dax pour annoncer que « Sites & Cités » était retenue pour un projet « tourisme durable et valorisation du patrimoine » qui se développera sur 3 ans en direction de l’Équateur, de la Colombie et du Mexique, associant les membres de l’Association.
A l’occasion du Congrès a été également annoncée la signature d’une convention avec Régions de France et sa Présidente, Mme Carole DELGA, autour de cinq thématiques d’actions communes : l’aménagement du territoire, la coopération internationale, tourisme et patrimoines, la restauration et la rénovation énergétique du bâti ancien, et enfin culture et patrimoine.