Compte-rendu d’atelier

Jeudi 13 juin, lors du Congrès national de Sites & Cités, Angers

Présidente : Catherine COUTANT, Conseillère municipale déléguée à la politique patrimoniale de Reims, conseillère communautaire, vice-présidente de Sites & Cités pour le Grand-Est

Animatrice : Marylise Ortiz, directrice de Sites & Cités

Avec :

Isabelle BOTTREAU Architecte – Urbaniste de l’État, Chargée de mission Territorialisation de l’Architecture, Bureau de la qualité de l’architecture et du paysage, Ministère de la culture – Direction générale des patrimoines et de l’architecture

Catherine DELZERS, Maire-adjointe, ville de Brignoles, Conseillère communautaire Agglomération Provence Verte

Nicolas FUERTES, Maire-adjoint au patrimoine de la ville de Langres

Caroline MICHEL, Directrice du patrimoine de la ville de Bastia – Direction Générale Adjointe de l’Architecture et du Patrimoine

Laurent ROTURIER, Directeur régional des affaires culturelles dÎle-de-France, Président de l’Association des Directeurs Régionaux des Affaires Culturelles de France

Stéphanie VITARD-GIBIAT, Directrice du Repaire Urbain, Responsable du service Angers Patrimoine

En quelques 40 ans le label « Ville et Pays d’art et d’histoire » (VPAH) a fait ses preuves, initiant des démarches de médiation auprès de publics diversifiés dans des villes et territoires de toute taille sur lesquels il est important de donner un coup de projecteur tant ces territoires ont été inventifs et innovants dans le domaine de la valorisation des patrimoines.

Pour Sites & Cités Remarquables de France, qui regroupe la majorité des territoires labellisés, il est essentiel de montrer la dimension transversale du label, transversalité acquise par les actions menées sur le terrain que ce soit dans les domaines du tourisme, de l’éducation, de la culture et de l’urbanisme. Ce qui a d’ailleurs permis d’inscrire dans la Loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (2016), sur impulsion de Sites & Cités, le lien entre médiation et urbanisme patrimonial indiquant que « Les Sites pat­ri­mo­ni­aux remar­quables sont dotés d’outils de médi­a­tion et de par­tic­i­pa­tion citoyenne ».

Alors que le Ministère de la Culture propose de « refonder » le label, quelle vision en avons-nous aujourd’hui ? Quelles sont les attentes des collectivités partenaires des conventions ? Comment renforcer la notion de projet de territoire et d’aménagement culturel dans le cadre du label ?

En 1985, la notion de médiation autour des patrimoines était encore balbutiante. La grande spécificité du label a été la prise en compte des publics : touristes, public jeune et habitants. Nicolas FUERTES, maire-adjoint de la ville de Langres, une des premières labellisées en 1985, témoigne de ces débuts. Pour Langres, ville de 8000 habitants, au cœur d’un Pays d’art et d’histoire de 48 000 habitants et 168 communes depuis 2020, le label a été fondamental dans la révélation des patrimoines. Valorisation du patrimoine militaire pour cette ville du réseau Vauban, avec des spectacles théâtralisés, un travail de connaissance en lien avec le Plan de Sauvegarde et de mise en valeur (PSMV), développé aujourd’hui sur le territoire intercommunal avec la création d’un service inventaire, et une forte sensibilisation du public jeune. Pour mettre en action la convention, un chef de projet, David Covelli, dont l’engagement aux côtés des élus et ce, depuis la labellisation de la ville, permet dans cette belle permanence efficiente de bâtir le projet au plus près des attentes du territoire.

A Reims, comme pour le Pays d’art et d’histoire de la Provence Verte, la dimension tourisme reste importante, mais pas seulement. Catherine COUTANT, Conseillère municipale déléguée à la politique patrimoniale de Reims, conseillère communautaire, vice-présidente de Sites & Cités pour le Grand-Est, évoque la reprise en main du label en 2014, avec un état des lieux et des attentes en matière d’un tourisme s’appuyant sur la diversité des patrimoines de cette ville dont le champagne a fait la renommée. Mais aussi, et c’est un axe qui se développe dans les territoires labellisés, l’accent est mis sur le lien entre médiation et outils d’urbanisme patrimonial, témoignant de la nécessité d’embarquer les habitants dans le projet urbain de la ville. Sujet que reprend Catherine DELZERS, Conseillère communautaire de l’Agglomération Provence Verte et Maire-adjointe de Brignoles, ville qui se lance dans un PSMV sur son centre ancien au cœur duquel prendra place le futur Centre d’interprétation de l’Architecture et du Patrimoine, dans la résidence d’été des Comtes de Provence. Les uns et les autres insistent sur la nécessité de sensibiliser tous les publics, dont les élus des collectivités -grandes et petites- pour qui le patrimoine n’apparait pas toujours comme la préoccupation première dans une stratégie de revitalisation du territoire. La question des professionnels apparait aussi : le besoin de chefs de projets aguerris aux notions d’urbanisme, tourisme, aménagement du territoire, mais aussi de guides-conférenciers, ces derniers difficilement fidélisables sur des territoires moins touristiques.

Stéphanie VITARD-GIBIAT et Caroline MICHEL, toutes les deux cheffes de projets et directrices de services patrimoine, la première à Angers, « Ville d’art et d’histoire » dès 1986, la seconde à Bastia labellisée en 2000, évoquent l’évolution de la perception du patrimoine sur leur territoire et la création de services appropriés. Pour toutes les deux, le cœur de leur métier consiste à « inclure la médiation dans tous les projets ».

Elles soulignent la prise en compte des patrimoines dans les différentes politiques de la collectivité. A Bastia :  réhabilitation du logement et programme « Action Cœur de ville » en lien avec l’urbanisme patrimonial… A Angers, le PSMV, vaste et récent, intègre les enjeux liés à la réhabilitation responsable et le Repaire Urbain, qui accueille le Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine, devient une référence sur le sujet pour les habitants. C’est aussi pour les deux cheffes de projets la réflexion sur l’intégration de l’architecture et des aménagements contemporains qu’il convient d’accompagner dans le projet ainsi que dans l’explication auprès des habitants, avec pour exemples la galerie contemporaine qui viendra protéger le portail de la cathédrale d’Angers, projet de Kengo Kuma,  ou,  à Bastia, le Mantinum, l’ascenseur urbain qui relie dans une architecture puissante  le vieux port et la citadelle dans la ville haute, réalisé par les architectes Buzzo Spinelli et Antoine Dufour.

Leur expérience souligne le besoin de transversalité pour travailler dans l’ensemble des domaines -urbanisme, tourisme, éducation, connaissance, recherche et médiation … – qui peut se heurter parfois à l’organigramme d’une collectivité. Le label VPAH n’a pas forcément vocation à être rattaché à la culture. Et l’évolution des attentes pour le poste de chef de projet questionne l’examen de recrutement encore très ancré sur la seule connaissance historique et non sur la capacité à faire projet ni la connaissance en urbanisme ou en tourisme.  Il est sans doute temps de revoir la procédure de recrutement afin d’ouvrir à des profils plus larges adaptés aux enjeux posés par chaque collectivité.

Du côté de l’Etat, Laurent ROTURIER, directeur régional des affaires culturelles dÎle-de-France, président des DRAC, montre la diversité par région du nombre de territoires labellisés : un maillage serré en Occitanie ou Nouvelle Aquitaine, beaucoup moins en Ile de France ou dans la région Grand Est.  Il évoque le financement de l’Etat avec un budget de 3 millions par an, soit 15 000 € en moyenne par territoire labellisé. Si la déconcentration du label pose la question de visions régionalisées, le retour de l’étude des candidatures au niveau national par le Conseil National des Villes et Pays d’art et d’histoire ne semble pas à l’ordre du jour. Et, les DRAC œuvrent depuis 2020 à l’acculturation des membres de la commission régionale du Patrimoine et de l’Architecture au label, quand bien même le nombre de dossiers présentés est de l’ordre d’un tous les deux ans. Elles construisent également des stratégies au niveau régional. Enfin, Laurent Roturier rappelle la question récurrente du statut des chefs de projet et des guides-conférenciers qu’il conviendrait d’étudier.

Isabelle BOTTREAU, Architecte-Urbaniste de l’État, Chargée de mission Territorialisation de l’Architecture, Bureau de la qualité de l’architecture et du paysage, Ministère de la culture – Direction générale des patrimoines et de l’architecture, rassure sur l’intérêt du ministère de la Culture pour le label VPAH, même s’il y a eu un sentiment de désengagement de la part de l’Etat ces dernières années. Des travaux sont en cours, associant service central de la Direction Générale des Patrimoines, représentants de services des DRAC, Sites & Cités, l’association des Animateurs du patrimoine et de l’architecture, pour analyser les avancées du label. Une circulaire est en préparation avec pour objectif le maintien d’une vision nationale du label et un renforcement de celui-ci. La dimension architecture et projet urbain devrait y trouver une bonne place car la convention VPAH doit tenir compte des enjeux actuels liés à l’aménagement du territoire, à la sobriété foncière et au développement durable.

Marylise ORTIZ souligne la réussite de cette politique. Le label VPAH est un label structurant. Il a permis de développer la prise en compte globale des patrimoines, de la ville et du territoire dans son ensemble ; il a initié des méthodes de médiation dont, depuis, de nombreux autres territoires se sont d’ailleurs emparés. Il a créé de nouvelles professions, aujourd’hui essentielles, à la jonction de l’urbanisme, du tourisme, du patrimoine, de la connaissance. Et surtout il a pris en compte la diversité des publics… Une belle réussite pour ce partenariat Etat-Collectivité, avec un engagement fort des territoires labelisés encouragés par cette convention dans une démarche novatrice de valorisation de leurs patrimoines, les conduisant à la création de véritables services dotés de professionnels qualifiés, d’équipements et outils au service des habitants, des jeunes et des visiteurs.